Le premier document attestant la présence de Boccon-Gibod à Jarsy date de 1561. A cette date, Emmanuel-Philibert, Duc de Savoie, ordonne un dénombrement nominatif, feu par feu, des personnes composant chaque feu, y compris les privilégiés, les pauvres et misérables et les mineurs de moins de cinq ans et dénombrement du bétail prenant sel . On y trouve le document suivant :
Transcription
Jehan fils de feu André boccon giboct
La Claude sa femme
Pierre
Jehan
Claude 4 ans
Bernarde
La Claude Teyne
La Claude la femme ses enfants
Son bestat ( bétail)
Trois vaches
Une moge (génisse ?) de deux ans
Une moge d ung an
Une petite moge
Deux agneaux
Dix brebis qui montagnent
Deux petits agneaux
André n’est pas classé parmi les pauvres et misérables
mais sa situation sociale ne semble guère meilleure (certaines
familles sont classées pauvres bien qu’elles aient trois
vaches).
Les registres paroissiaux de Jarsy débutent en 1571 ; rédigés
en latin, on y note particulièrement la naissance de Joannes (Jean)
en 1574, fils de Pietri Bocconi alias Giboti. Il est réaliste de
penser que le Pierre fils de Jean qui a du naître entre 1550 et
1555, est le même que celui qui a engendré en 1574. On établit
ainsi la filiation suivante : André, mort avant 1561 (donc né
à la fin du XVème siècle), puis Jean qui devait avoir
une quarantaine d’année en 1561, puis Pierre né vers
1550 et encore un Jean né en 1574.
Les registres s’interrompent malheureusement de 1576 à 1608.
Dès 1608 on relève l’existence simultanée de
Bernard et de Claude Boccon Gibaut qui sont vraisemblablement les fils
de Pierre. A notre connaissance, seule celle de Claude s’est perpétuée
jusqu’à nos jours.
La famille est établie à Etre, un petit hameau de Jarsy
depuis au moins 1657. A chaque génération, un seul Boccon
Gibod y avait des enfants; les autres émigraient ou ne se mariaient
pas, comme cela était couramment pratiqué dans le but de
faire perdurer le patrimoine familial. Ainsi, vers 1760, deux frères,
Pierre et André, s’en vont tenter de faire fortune à
Paris ; le cadet Nicolas est resté à Etre et n’a eu
qu’un fils sans descendance. Le nom y a été perpétué
par Joseph, cousin germain des trois frères sous la forme Boccon
Gebeaud jusqu’au XX ème siècle: il disparait des recensements
en 1931, probablement au décès d’Auguste, dernier
représentant local du nom, lequel n’a eu qu’une fille.
Sur les deux frères émigrés, nous n’avons de
nouvelles que d’André. En 1764 (il a 23 ans) il fait un don
conséquent (126 livres) à son père Aymé, afin
de pouvoir doter sa sœur Marie lors de son mariage. Il montre ainsi
qu’il a « réussi » très rapidement.
Depuis longtemps, au moins depuis son grand-père Michel, la famille
Boccon-Gibod vivait en communauté sur leurs terres d’Etre.
Joseph troisième fils et dernier vivant de Michel, a fait un testament
en 1770 donnant un tiers de ses biens à ses neveux André,
Pierre et Nicolas fils de son frère Aymé, un tiers à
son neveu Claude Antoine fils de Sigismond, le dernier tiers à
son petit neveu aussi Claude Antoine, petit-fils de Sigismond . A la mort
de Joseph il devint nécessaire d’officialiser les situations
patrimoniales. En 1771, André et Pierre reviennent à Jarsy
pour participer au partage entre les frères indivis (André,
Pierre et Nicolas) pour une première part, son cousin Claude Antoine
pour une deuxième part et son neveu aussi appelé Claude
Antoine pour une troisième part.
Les trois frères héritent en communauté de plusieurs
terres totalisant une surface de 30 500 mètres carrés, soit
un peu plus de trois hectares, plus un tiers de la maison familiale, d'un
moulin et d'une étable-grange, et aussi de trois vaches.
Sur les trois frères concernés, seul Pierre est capable
de signer: André et Nicolas sont notés comme illettrés.
André n’est plus jamais revenu en Savoie et a du couper complètement
avec sa famille car son petit-fils est entré en relation avec un
lointain cousin resté au pays pour établir sa génealogie.
Il a adopté pour son nom la forme Boccon-Gibod.
Il s’est marié en 1784 en l’église Saint Eustache
de Paris. On ne connaît pas encore sa profession qui aurait pu être
consignée sur son acte de mariage mais cet acte est perdu à
tout jamais, brulé en 1871 avec la Commune. Il est ensuite devenu
notaire dans l’Eure et Loire, à Authon du Perche, et propriétaire
à Meslay le Vidâme. Il a laissé sa charge à
son fils André François Joseph.
André François Joseph, à la naissance de son fils
en 1834, est noté comme ancien notaire et premier suppléant
de la Justice de paix du canton d’Authon : il avait alors 49 ans
; il n’a donc pas exercé longtemps sa charge notariale.
André François Joseph a eu un fils André Ernest,
qui a fini Juge de Paix à Paris dans le 7°arrondissement et
qui a épousé, en 1863, Marie Sophie Rue, fille de Marie
Laurence Miquel et, hors mariage, d’Henri de Limay.
Du côté Miquel, ce sont surtout deux femmes qui ont marqué
le souvenir :
- Marie Sophie Duris Dufresne, arrière grand-mère de Marie
Sophie Rue, femme du siècle des lumières, qui s’est
dévouée à sa petite fille et son arrière petite
fille en dépit du qu’en dira-t-on berrichon et qui avait
le don de l’écriture. Sa petite fille Marie Laurence a conservé
de très belles lettres à lui adressées à la
naissance de sa fille Marie Sophie Rue à Gex où elle est
allée accoucher discrètement. Les Duris étaient riches,
ils possédaient des terres en Berry et la charge de “Receveur
des tailles” exercée de père en fils en faisait un
personnage important.
- Marie Laurence Duquesne très artiste et dont les miniatures sont
d’une grande perfection ; c’est elle qui a quitté son
mari le docteur Rue pour vivre avec Henry de Limay.
Chez les Limay, si Henri était médecin (ami du docteur Rue),
on était plutôt d’une famille d’ingénieurs
des Ponts et Chaussées.
Marie Sophie Rue nous a laissé des mémoires et des carnets
qui sont des pièces d’archives sur l’histoire d’une
famille au 19 ème siècle.
Deux enfants sont nés de cette union : Marie Laurence qui a épousé
René Lacroix et André qui devint Avoué.
La famille de Marie Sophie fréquentait la propriété
du « bon » Docteur Pinel, la Folie Saint James où il
avait installé sa maison de santé et où il soignait,
en particulier, l’oncle de Marie Sophie, malade mental. Le docteur
René Semelaigne qui y travaillait avait épousé Thérèse
de Joly pour laquelle André avait beaucoup d’admiration.
Thérèse avait une sœur beaucoup plus jeune, Yvonne,
qui devint l’épouse d’André.
Chez les Joly ce sont les hommes qui ont marqué l’histoire
de la famille dans son siècle :
- Hector conseiller du roi, secrétaire de la commune et dernier
ministre de la justice de Louis XVI, et qui devint adepte de Naundorf,
qui prétendait être Louis XVII.
- Jules et Edmond, grand-père et père d’Yvonne, architectes
de l’Assemblée nationale tous grands serviteurs de l’Etat
quel que soit le régime si changeant de leur siècle. Yvonne
a passé son enfance dans le Palais-Bourbon à regarder par
la fenêtre les allées et venues des députés
et leurs ministres.
- Le grand-père maternel d’Yvonne de Joly, Théodore
Gréterin, fils d’un modeste employé des Douanes des
Ardennes, finit sa carrière comme Directeur général
des Douanes, sénateur, membre u Conseil d’Etat et de l’Académie
de Sciences Morales et Politiques.
On pourra consulter en annexes les mémoires de Marie-Sophie Rue et d’Yvonne de Joly, des notices biographiques sur Hector et Edmond de Joly, un éloge de Théodore Gréterin.
André et Yvonne ont eu cinq fils qui ont tous fait de brillantes
études :
- André, ancien élève de Polytechnique, inspecteur
de la Banque de France
- François, ancien élève de Sup’élec
- Christian, ancien élève de l’Agro, mort pour la
France
- Bertrand, Docteur en Droit, Avoué
- Raymond, ancien élève de Polytechnique, directeur de Société
chez Péchiney
Leur abondante descendance, décrite au chapitre III, assure la pérennité du nom pour de nombreuses décennies.