Jean Mathieu Philbert Sérurier, Maréchal d’Empire
ORIGINE
ET ENFANCE DE SÉRURIER
Jean Mathieu Philbert (alias Philibert) Sérurier naquit à
Laon le 8 décembre 1742, fils de Mathieu Guillaume Sérurier,
Seigneur de Sort et de Saint Gobert, officier de la maison du Roi (il
était taupier des haras royaux) et d'Elisabeth Danye. Un frère
de sa mère, Antoine Philibert Danye avait épousé
une sœur de Mathieu Guillaume Sérurier, Marie-Madeleine
Sérurier, et de ce mariage était née Marie Madeleine
Elisabeth Danye qui épousa à Laon le 15 mars 1762 notre
ancêtre André Joseph l'Eleu. Seigneur de Presle et de la
Simone et qui était donc deux fois la cousine germaine du futur
maréchal.
On ne sait pas grand chose de l'enfance de Jean Mathieu Philibert, sinon
qu'à partir de l'âge de huit ans, son instruction fut prise
en mains par son oncle maternel, Jean Antoine François Danye,
chapelain de la cathédrale de Laon. Celui-ci espéra voir
son neveu entrer dans les ordres, mais c'est la carrière des
armes qui tenta ce dernier.
- Première partie de la carrière militaire de
Sérurier :
L'ANCIEN RÉGIME et le DÉBUT DE LA RÉVOLUTION
Dès
le 25 mars 1755, en effet, le jeune Sérurier obtenait une commission
de lieutenant au bataillon de milice de Laon. Il y reçut une
solide instruction d'officier de troupe, grâce à un autre
oncle maternel, Antoine Philbert Danye (notre ancêtre direct),
chevalier de Saint-Louis, capitaine des grenadiers, qui devint commandant
du bataillon de Laon le 18 mars 1756.
Après un bref passage au bataillon de Soissons en 1758, Sérurier
demanda à réintégrer celui de Laon, qui venait
d'être choisi pour renforcer l'armée du Bas-Rhin, car on
était alors en pleine guerre de Sept-Ans. Sérurier fut
blessé d'un coup de baïonnette aux environs de Ruremonde,
lors du passage du Rhin par les Anglo-Hollandais.
Le ler octobre 1759, il quitta la milice pour entrer comme enseigne
au Régiment d'infanterie d'Aumont, tout en continuant à
participer à la Campagne d'Allemagne. Le 31 juillet 1760, à
l'affaire de Warbourg, il tomba frappé au côté droit
de la face par un coup de feu qui lui brisa la mâchoire, ce qui
lui laissa une cicatrice profonde et durable et l'obligea à prendre
du repos.
Il fut nommé lieutenant le 25 avril 1762 et participa à
l'expédition du Portugal de juin à novembre 1762. Réformé
en décembre, il fut replacé sous-lieutenant en avril 1763
au régiment de Beauce-Infanterie et fut chargé des fonctions
d'instructeur de 1763 à 1769. Nommé lieutenant en février
1767, il partit en 1770 avec son régiment pour la Corse, où
il resta jusqu'en 1774, participant à la lutte contre les insurgés.
Après son retour en France, il fut nommé lieutenant en
premier le 16 juin 1774, capitaine en second le 28 février 1778,
chevalier de St-Louis le 30 juillet 1781, capitaine commandant le 10
mai 1782. Ses supérieurs le présentèrent trois
fois de suite en 1784, 1785 et 1786 pour le grade de major, mais ces
propositions restèrent sans résultat, en raison de l'intransigeance
du Maréchal de Ségur à l'égard des non-nobles.
Cela détermina Sérurier à demander sa retraite
en septembre 1788, mais ses supérieurs intervinrent pour l'éviter
et il fut enfin nommé major le 17 mars 1789, dans le régiment
de Médoc-infanterie à Béziers.
A la fin de l'Ancien Régime, nous trouvons donc Sérurier
au bout d'une carrière militaire déjà longue, pourvu
d'un grade qu'il n'aurait probablement pas pu dépasser si, avec
la Révolution, des évènements nouveaux n'allaient
surgir et transformer complètement la carrière des armes.
Il semble que les années 1789 et 1790 furent assez calmes pour
le régiment de Médoc qui fut appelé dans l'Aude
pour y maintenir l'ordre et établir le long du canal des Deux-Mers
un cordon de troupes destiné à protéger la navigation.
Sérurier fut nommé le ler janvier 1791 lieutenant-colonel
de ce régiment, qui devint en 1791 le 70ème d'infanterie
et fut envoyé en avril 1791 en garnison à Perpignan. Sérurier
eut alors à y faire face à une mutinerie de son régiment,
puis il fut envoyé avec lui à l'armée du Var et
le mois suivant en Ardèche pour y réprimer une insurrection
royaliste. II fut nommé colonel du 70ème d'infanterie
le 7 août 1792 mais, suspecté de royalisme à une
époque où beaucoup d'officiers partaient en émigration,
il fut cassé de grade et arrêté en octobre 1792.
Il fut réintégré grâce à Barras et,
dès la fin de 1792, il participa à la campagne d'occupation
du comté de Nice, qui se poursuivit en 1793. Le 25 juin 1793,
il fut nommé provisoirement général de brigade
à l'armée d'Italie et confirmé ans ce grade le
12 août 1793 par le conseil provisoire exécutif.
- Deuxième partie de la carrière de Sérurier
:
L'ARMÉE D'ITALIE
Sérurier
devait rester pendant près de six ans, jusqu'en avril 1799, à
l'armée d'Italie, dont Bonaparte devait, en mars 1796, recevoir
le commandement en chef, après y avoir commandé l'artillerie.
Ce fut la partie la plus importante de la carrière du futur maréchal.
L'année 1794 vit la poursuite de la campagne du comté
de Nice. Le 17 décembre 1794, Sérurier fut nommé
provisoirement général de division, et il remplaça
même, quelque temps, Masséna tombé malade, qui commandait
la division de droite.
La nomination de Sérurier fut confirmée par le Comité
de Salut Public. En 1795, ce fut la pénétration dans le
Sud du Piémont et en Ligurie : il fut vainqueur à Saint
Martin de Lantosque et contribua à la victoire de Loano.
C'est au début de 1796 que le Directoire décida de remplacer
le général Scherer, au commandement de l’Armée
d'Italie, par le Général Bonaparte. Sérurier fut
le premier à venir saluer son nouveau chef ; leur entretien fut
excellent et eut pour effet de lier la fortune militaire de Sérurier
à celle de Bonaparte.
En 1796, Sérurier s'empara de Ceva, vainquit les Piémontais
à Mondovi, conquit Fossano et, au début La nomination
de Sérurier fut confirmée le 13 juin 1795 par le Comité
de Salut Public. En 1795, ce fut la pénétration dans le
Sud du Piémont et en Ligurie : Sérurier fut vainqueur
à St-Martin de Lantosque et contribua de juin 1796, mit le siège
devant Mantoue, mais Bonaparte lui ordonna de le lever au début
d'août 1796. Après avoir été commandant à
Livourne, en Toscane, il fut chargé de commander le corps de
siège devant Mantoue à la place de Kilmaine, à
la fin de 1796. Il se distingua à la Favorite et reçut
la capitulation de Mantoue le 2 février 1797. II servit au combat
du Piave le 12 mars 1797, à celui du Tagliamento le 16 mars,
à la prise de Gradisca le 19 mars. Il fut alors chargé
par Bonaparte le 3 juin de porter au Directoire 22 drapeaux pris à
l'ennemi, ce qui eut lieu le 28 juin 1797, puis il reprit le commandement
de sa division en Italie. Il fut nommé gouverneur de Venise le
18 octobre 1797, en remplacement de Baraguey d'Hilliers, pour préparer
et effectuer l'évacuation de Venise, qui devait être remise
aux Autrichiens, conformément au traité de Campo-Formio,
signé le 17 octobre.
Le Directoire voulait, avant cette livraison, ruiner tout vestige de
la puissance militaire et navale de Venise. Il fallait aussi prendre
certains objets historiques pieusement conservés par les Vénitiens
pour les grands souvenirs qu'ils leur rappelaient. A côté
des dépouilles officielles, il y en eut de clandestines, dont
certains officiers français furent complices ; Sérurier,
malgré son intégrité et sa fermeté, ne parvint
pas à empêcher tous les excès. Au terme d'une tâche
plutôt délicate et qui l'avait rendu très impopulaire
à Venise, Sérurier évacua la ville le 18 janvier
1798.
Après une très brève affectation à l'Armée
d'Angleterre, Sérurier revint dès la fin de janvier 1798
comme commandant en chef des troupes en Cisalpine (Lombardie). En septembre
1798, il fut nommé inspecteur général des troupes
d'infanterie stationnées à l'intérieur, puis désigné
pour servir à l'Armée d'Italie, au début de novembre
et chargé, en décembre 1798 d'occuper Livourne, en Toscane,
et Lucques, puis désigné pour servir à l'Armée
d'Italie, au début de novembre et chargé, en décembre
1798 d'occuper Livourne, en Toscane, et Lucques, en raison des menées
des Anglais et des Napolitains pour forcer la Toscane et la république
lucquoise à se déclarer contre la France. Sérurier
entra à Lucques le 2 janvier 1799. Il obtint du gouvernement
de Lucques le versement d'une contribution de guerre de deux millions
de francs et l'établissement d'une nouvelle république
de type démocratique. Dès le 5 février, Sérurier
quittait Lucques, sans s'attaquer à Livourne, étant rappelé
à l'armée d'Italie en raison des préparatifs des
Autrichiens dans le Frioul et sur l'Adige. Il avait fait preuve à
Lucques, comme jadis à Venise, d'une conduite très désintéressée
et intègre, qui fut sans doute à l'origine de son sobriquet
militaire de "Vierge d'Italie".
Le 26 mars 1799, il se signala à Pastrengo, fut chargé
de franchir l'Adige à Polo, mais fut repoussé devant Vérone
le 30 mars. Après avoir servi à Magnano, il fut forcé
de capituler à Verderio le 28 avril 1799, après une résistance
très énergique. Il fut emmené prisonnier à
Milan, mis en liberté sur parole par le général
russe Souwarov et rentra à Paris, où le Directoire ne
lui confia aucune mission. On lui tenait rancune de sa défaite
à Verderio, dont il n'était pourtant que partiellement
responsable. La faute principale provenait des dispositions prises par
le Général Scherer, qui avait remplacé le Général
Joubert à la tête de l'Armée d'Italie sans en avoir
la valeur, et l'on ne pouvait accuser Sérurier que d'avoir suivi
aveuglément les ordres reçus sans les avoir interprétés.
Faut-il rappeler aussi que l'Armée d'Italie n'était plus
ce qu'elle était en 1796, Bonaparte ayant emmené en Egypte
quelques unes des demi-brigades les plus aguerries et quelques uns des
meilleurs officiers, sans parler de l'esprit d'insubordination déplorable
des troupes, problème auquel Sérurier se trouva confronté
assez souvent à l'époque révolutionnaire, depuis
les mutineries de son régiment à Perpignan en 1791
-
Dernière période :
Sérurier comblé d'honneurs sous le Consulat, 1'Empire
et la Restauration
La
carrière militaire de Sérurier s'arrêta en 1799,
alors qu'il allait avoir 57 ans. Une autre période de sa vie
allait commencer, avec le retour de Bonaparte d'Egypte en octobre 1799.
Dès le 26 octobre, Sérurier alla le complimenter et l'entrevue
allait achever de lier les deux hommes. Sérurier accepta de suivre
Bonaparte lors de la conspiration du 18 brumaire ; il commanda la réserve
du Point du Jour, mais n'intervint pas à St Cloud. Sur le plan
militaire, il cessa tout service à partir du 23 décembre
1799 mais ne fut admis à la retraite, sur sa demande, que le
9 septembre 1801.
Le 23 décembre 1799, il avait été nommé
sénateur, en remplacement de Roederer et allait ensuite recevoir
une pluie d'honneurs. Il fut nommé vice-président du Sénat
le 22 décembre 1802, président de la Commission de délimitation
des frontières entre la France et la Ligurie, en 1803, prêteur
du Sénat le 17 septembre 1803, gouverneur des Invalides à
la place du Général Berruyer le 23 avril 1804, maréchal
d'Empire le 19 mai 1804, grand aigle de la Légion d'Honneur le
2 février 1805 puis grand cordon de la Couronne de Fer.
Il reçut une dotation de 20.000 Francs de rente annuelle sur
la Wesphalie et de 20.000 Francs de rente annuelle sur le Hanovre, le
10 mars 1808, fut créé Comte de l'Empire le 3 juin 1808,
reçut le commandement général de la Garde Nationale
de Paris le 3 septembre 1809 et enfin nommé le 19 mai 1811 président
du Conseil d'enquête chargé de connaître des causes
et des circonstances de la Capitulation de l'île de France (actuellement
île Maurice), signée par le général Decaen
en 1810.
Lorsque la France fut envahie en 1814, Sérurier fit briser et
brûler le 30 mars au soir, dans la Cour des Invalides, avant l'arrivée
des ennemis, plus de 1500 drapeaux pris à la guerre depuis Louis
XIV, ainsi que l'épée et les insignes de Frédéric
II de Prusse.
Il servit la Première Restauration des Bourbons et fut nommé
Pair de France le 4 juin 1814 mais il se rallia à nouveau à
Napoléon lors des Cent-Jours en 1815, aussi fut-il privé,
par la seconde Restauration, de ses fonctions de gouverneur des Invalides,
le 27 décembre 1815. Il avait cependant été confirmé
pair à titre héréditaire par ordonnance du 19 août
1815 et reçut le titre de Comte pair héréditaire
par ordonnance du 31 août 1817, titre qui lui fut confirmé,
sur promesse de l'institution d'un majorat de pairie, par lettres patentes
du 14 avril 1818. Il fut reçu grand croix de St-Louis le 30 septembre
1818 et fut remis en activité comme maréchal de France
le ler janvier 1819. Il mourut à Paris le 21 décembre
1819 et fut enterré au Père-Lachaise, mais exhumé
et déposé aux Invalides le 26 février 1847. Son
nom est inscrit au côté sud de l'Arc de Triomphe de l'Etoile.
Sa ville natale, Laon, lui a élevé en 1864 une statue,
qui fut enlevée par les Allemands au cours de la grande guerre
de 1914-1918.
Pour terminer cette étude, je vais emprunter à Louis Tuetey,
son biographe, l'appréciation finale qu'il donne sur lui : "Sérurier
ne fut point un homme de guerre ; peu apte à exercer de grands
commandements, il ne les ambitionna jamais et resta général
de division. On peut même ajouter qu'il est le type accompli du
général divisionnaire, expérimenté, intelligent,
discipliné. Mais, il fut essentiellement un soldat et sa vie
entière n'a été que le commentaire de ces deux
mots si simples, mais si grands d'abnégation volontaire: bien
servir".
Sérurier avait épousé à Laon, le 13 février
1778, Louise Marie Madeleine Itasse, née à Laon en 1755
et morte à Versailles le 2 mars 1828, fille de François,
greffier en chef du bailliage criminel et de la police de Laon, et de
Marie Madeleine Dohy, remariée à Pierre Antoine Jourdin,
notaire.
Il n'y eut pas d'enfants de cette alliance et le maréchal adopta,
suivant jugement du 15 novembre 1814, Marguerite Desprez (1795-1854)
fille de Maurice Desprez, sous-officier invalide, et de Marie Anne Mangin.
Elle épousa en 1814, Eugène d'Avrange du Kermont (1784-1863),
d'où une postérité assez nombreuse, représentée
notamment de nos jours par les familles de la Rochebrochard et Chaix
de Lavarëne.
Il est intéressant de noter le signalement de Sérurier
tel qu'il est indiqué sur une fiche conservée aux Archives
Nationales, dans la série CC66 à 69, état civil
et nécrologie des sénateurs :
- taille 1 m87
- cheveux châtains, perruque brune
- sourcils châtains
- nez aquilin
- barbe brune
- visage ovale
- front moyen
- yeux bleus
- bouche moyenne
- menton rond
- teint brun
- 3 cicatrices au côté droit (c'était la trace de
sa blessure de Warbourg en 1760).
Claude de Guillebon