Le Général Jacques de GUILLEBON
Jacques,
en raison d'un caractère déjà très affirmé,
ne fit pas entièrement ses études secondaires à la
Providence à Amiens, mais aussi à Lille et à Neuilly.
Il prépara les grandes écoles à Sainte Geneviève,
à Versailles, et fut reçu à Polytechnique en 1930.
Nommé sous-lieutenant en 1932, il suivit pendant un an les cours
de l'Ecole d'application d'artillerie, à Fontainebleau, puis il fut
affecté en 1934 au 2ème régiment d'artillerie coloniale,
en Corse, et promu lieutenant en octobre de la même année.
Un an après, il partit comme volontaire avec le corps expéditionnaire
que la France envoie à Djibouti en 1935. Il en reviendra en 1937
pour être affecté au 12ème régiment d'artillerie
coloniale. En avril 1939, il est désigné pour continuer ses
services en A.E.F., au Tchad. C'est là que va commencer sa carrière
exceptionnelle, après l'appel du 18 juin 1940 du général
de Gaulle et la rencontre de Jacques de Guillebon avec Leclerc, dès
l'arrivée de celui-ci en décembre 1940. Le colonel Le-clerc
le garde comme chef d'état-major pour préparer l'opération
Koufra, dans le sud de la Libye, alors sous la domination italienne.
Le ler mars 1941, c'est la prise de Koufra, la première victoire
fran¬çaise, suivie le lendemain du fameux serment de Koufra prononcé
par Le clerc : ne pas déposer les armes avant que le drapeau français
flotte également sur Metz et sur Stras¬bourg libérés.
Jacques de Guillebon est blessé au cours de l'attaque de nuit d'un
aérodrome ennemi. Il y gagne, l'un des premiers, la croix de la Libération,
qui lui est décernée le 14 juillet 1941.
En 1942, le capitaine de Guillebon commande un groupe motorisé de
vingt autos chenilles. Au cours d'un raid de 1.600 kms qui dure quinze jours
en territoire ennemi, ce groupe s'empare de T'messa et Oudou El Kebir. Le
5 mai de cette année, il reçoit les galons de chef d'escadron.
C'est à cette date qu'il apprend qu'il est condamné à
mort et dégradé par Vichy.
En décembre 1942, les soldats de Leclerc s'attaquent à la
conquête difficile du Fezzan en Libye. Ils atteignent la mer à
Tripoli, le 24 janvier 1943 et poursuivent l'ennemi dans le sud Tunisien.
Le Général Leclerc nomme le chef d'escadron de Guillebon sous-chef
d'état-major de la 2ème Division blindée. Guillebon
ne quittera plus le général Leclerc.
En Septembre 1943, la 2ème D.B. se reforme à Temara, au sud
de Rabat, au Maroc. Puis, c'est le départ pour la Grande Bretagne
le 25 Avril 1944 et le débarquement en France, le ler août
1944. Guillebon, le 21 août, ouvre la brèche décisive
sur la route de Paris en s'infiltrant à l'intérieur des lignes
allemandes, d'Argen¬tan à Rambouillet, à la tête
d'un détachement motorisé. Le 25 août, "toujours
à la tête de ses éléments, ayant un mépris
total du danger, il entre un des premiers à Paris...... (extrait
de la citation décernée à Guil¬lebon à l'ordre
de l'Armée, de la main même de Leclerc). Comme en 1941 à
Koufra, Guillebon rédige le texte de la convention de reddition des
forces allemandes de Paris.
Promu alors lieutenant-colonel, il reçoit le commandement de la brigade
de chars de la 2ème D.B., qui fait campagne en Lorraine, et enfin
c'est la libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944. Le serment
de Koufra est tenu.
La 2ème D.B. atteint le Rhin à Marckolsheim. Le colonel de
Guille¬bon se trouve dans le groupe de tête qui s'empare de Berchtesgaden.
Il assiste à la joie délirante de ses hommes en voyant flotter
le drapeau français sur le nid d'aigle de triste mémoire.
Il est promu au grade d'Officier de la Légion d'honneur par décret
de décembre 1944 et à celui de commandeur par décret
d'octobre 1945.
Mais, pour ce jeune colonel, la guerre n'est pas terminée. Le général
Leclerc lui confie les fonc¬tions de chef d'état-major chargé
de constituer, d'embarquer et d'engager le Corps expéditionnaire
d'Extrême - Orient en Indochine (novembre 1945). Il participe à
plusieurs opérations et, après le départ du général
Leclerc, il rentre en France (août 1946) et est affecté à
l'inspection des Forces en Afrique du Nord.
Il est ensuite désigné, le ler janvier 1948, pour succéder
au Gé¬néral Gruss au poste d'attaché mili¬taire
et de l'Air près l'ambassadeur de France en Suisse. Après
son départ de Berne en 1951, il est nommé le 15 septembre
1952 Commandant de la Subdivision de Ga¬bès et des Territoires
du Sud-Tunisien. Il est promu général de brigade le ler juin
1955. En 1956, il dirige de nombreuses opérations dans la région
de Gafsa.
En mai 1957, il est nommé Directeur de l'Ecole Polytechnique. Le
ler mars 1959, il est promu général de division puis est nommé,
en octobre, adjoint au général commandant la région
territoriale et le corps d'armée de Constantine, mais il est, sur
sa demande, placé par anticipation dans le cadre de réserve.
Il est rappelé en activité à compter du 15 septembre
1961 et nommé Commandant de la Sème Région militaire
à Toulouse. Il reçoit le ler juillet 1962 les rang et appellation
de général de Corps d'Armée, et est maintenu au commandement
de la Sème Région militaire jusqu'au 15 novembre 1965.
Le ler janvier 1966, il est nommé Directeur de l'Institut des Hautes
Etudes de Défense Natio¬nale, de l'enseignement militaire supérieur
et du centre des hautes études militaires. Il y restera jusqu'au
13 octobre 1969, date à laquelle prit fin son rappel à l'activité.
Jacques de Guillebon avait épousé le 9 janvier 1947 Précilda
Fechheimer dont il a eu deux enfants. Norbert né en 1948 à
Berne et Alexandra née en 1952 à Amiens.
Il est décédé à Paris le 25 février 1985,
après une douloureuse maladie. Ses obsèques furent célébrées
aux Invalides, où le général Massu prononça
un discours, dans lequel il fit allusion à "sa haute silhouette",
"son allure de grand seigneur, son urbanité, son impeccable
courtoisie", ajoutant que "ce soldat sans peur, réservé
et modeste, s'est vu décerner 13 citations dont 8 à l'ordre
de l'Armée. Grand Officier de la Légion d'Honneur depuis 1957,
il a été fait grand-croix de l'Ordre National du mérite
en 1969.
Rappelons qu'il était aussi Compagnon de la Libération.
Un monument à la mémoire du Général Jacques
de Guillebon a été inauguré le 17 septembre 1988 à
Essertaux, en présence de la Maréchale Leclerc de Hauteclocque,
avec discours prononcés par Maurice Schumann, compagnon de la Libération
et par le Général d'Armée Jean Simon, chancelier de
l'Ordre de la Libération. Une messe avait été concélébrée
à cette occasion en l'église d'Essertaux par Mgr Noyer, évêque
d'Amiens, le Père Noël Kiken, responsable du groupement paroissial
de Conty-Essertaux, le Père Maurice Cordier, ancien aumônier
de la 2ème D.13, et l'abbé Gilles de la Simone.
Dans ses rapports avec la famille, Jacques de Guillebon s'est toujours montré
très aimable et accueillant, en dépit d'une apparence qui
pouvait sembler un peu hautaine. Il ne refusait jamais de rendre un service
demandé et intervenait toujours efficacement.
Il reste pour tous un exemple magnifique et un modèle de soldat au
service de son pays. C'est une figure inoubliable pour la famille dont il
a si glorieusement illustré le nom.
Claude de Guillebon