Le Général Pille
Louis-Antoine
PILLE naquit à Soissons le 14 juillet 1749. A l'âge de 18 ans,
en 1767, l'Intendant d'Amiens, Dupleix de Bacquencourt, le prit comme secrétaire
et le garda en cette qualité à l'Intendance de Rennes en 1771,
puis à celle de Dijon en 1775. Louis-Antoine devint en 1780 secrétaire
en chef à l'Intendance de Dijon et occupait encore ce poste quand
survint la Révolution. Il embrassa avec ardeur les idées nouvelles
et entra dans la Garde Nationale comme lieutenant des chasseurs à
cheval volontaires de Dijon, le ler Août 1789. Dès le 11 novembre
1789, il était devenu chef de bataillon dans la Garde Nationale de
Dijon, pour se retrouver, le 18 avril 1790, commandant des volontaires de
Dijon, puis le 30 août 1791 lieutenant colonel commandant le ler bataillon
de la Côte d'Or, et enfin affecté en 1792 à l'Armée
du Centre, où il devint le 19 août 1792 adjudant-général
lieutenant-colonel provisoire. Il participa ainsi aux engagements de Boussu,
Jemmapes, Anderlecht, Tirlemont et Varon. Ensuite, le 21 février
1793, il fut affecté à l'armée du Nord, servit au bombardement
de Maastricht le 21 février 1793, combattit à Neerwinden puis
fut blessé d'un coup de feu à la tête au combat de Pellenberg
le 22 mars 1793 et livré aux Autrichiens par Dumouriez le 2 avril
suivant, comme trop ardent révolutionnaire. Echangé dès
le 16 mai, il rentra en France le 23 mai 1793. Il fut nommé le 2
décembre 1793 général de brigade, employé par
le ministre de la Guerre. Puis en avril 1794, il fut adjoint à la
commission de l'organisation et du mouvement des armées de terre,
avant d'en devenir commissaire un mois après, ce qui le plaça
dans l'entourage de Robespierre. Néanmoins, il échappa à
la terrible épuration qui suivit le 9 thermidor, sans doute parce
qu'il avait su conserver une réputation de probité irréprochable.
Ses fonctions de commissaire prirent fin le 2 novembre 1795 et il devint
alors général de division, employé auprès du
ministre de la Guerre, puis à l'Armée de l'Intérieur.
A partir de 1796, il reçut successivement le commandement de plusieurs
régions militaires et se trouvait en février 1799 commandant
des lère et 16e régions, jusqu'en janvier 1801, où
il ne garda que la 16e, le siège de la lère étant transféré
à Paris.
A partir de septembre 1801, il n'exerça plus que des fonctions d'inspection
et non plus de commandement militaire. Sans doute faut-il y voir une décision
du Premier Consul, encore que nous ne sachions rien de précis sur
ce qui aurait pu la motiver, car il ne semble pas que les relations entre
les deux hommes aient été mauvaises.
En tout cas, les nouvelles affectations du Général PILLE se
situaient tout de même à un niveau supérieur: il fut
d'abord Inspecteur en chef aux revues, chargé de l'armement des côtes
de l'Ouest, puis en 1802, il fut attaché au comité central
des revues et de l'administration des troupes, et on le trouve en novembre
1804 en tournée dans la 27e division militaire. En septembre 1806,
il devient inspecteur général des détachements de conscrits,
ensuite inspecteur général des troupes d'infanterie stationnées
en Italie et à Naples, en octobre 1807, inspecteur général
aux revues à Bayonne dans les l0e et ll ème divisions militaires,
et enfin inspecteur général des grands dépôts
de conscrits, le 25 mars 1814.
Après la chute de Napoléon, le général PILLE
fut mis en disponibilité le ler mai 1814, mais il se rallia aux Bourbons,
ayant été rassuré par la charte constitutionnelle.
Aussi est-il piquant de voir que cet ancien commis de l'Ancien Régime,
devenu ardent révolutionnaire, allait être davantage comblé
d'honneurs sous la Restauration que durant l'Empire, où il avait
été seulement créé chevalier de l'Empire par
lettres patentes du 18 mars 1809 et nommé commandeur de l'ordre de
Charles-Frédéric de Bade le 2 juillet 1812. Louis XVIII, en
effet, le créa chevalier de St Louis le 19 juillet i814, commandeur
de la Légion d'honneur le ler novembre 1814 et le réintégra
comme inspecteur général d'infanterie dans la 16e division
militaire, le 30 décembre 1814, puis dans les 8e, 9è et 19e
divisions militaires, le 28 mai 1815. Enfin, le général fut
admis à la retraite le 4 septembre 1815, à l'âge de
66 ans, et reçut le titre de comte héréditaire par
lettres patentes du 23 décembre 1815.
Il s'était marié vers 1794, probablement à Dijon, avec
Magdelaine THERY, qui était née dans cette ville le 30 septembre
1768 et qui mourut sans enfants à Paris le 8 floréal an XI
(28 avril 1803). Le général PILLE mourut à Soissons
le 7 octobre 1828. Son nom est inscrit au côté ouest de l'Arc
de Triomphe de l'Etoile à Paris.
Au total, le général PILLE suivit un cursus intéressant
et fort inattendu, lorsqu'à 40 ans, après avoir passé
22 ans dans l'administration royale en province, il se trouva entraîné
dans le grand bouleversement révolutionnaire. Il se lança
à fond dans une carrière militaire brillante qui lui permit
d'accéder au bout de six ans au grade de général de
division. Mais, il ne devait pas monter plus haut, et après six autres
années de commandement, le reste de sa carrière s'effectua
dans les fonctions d'inspecteur général, pour lesquelles son
long passage de jeunesse dans l'administration de l'Ancien Régime
devait lui conférer une grande efficacité. Et puis, après
la période impériale, s'étant assagi avec l'âge,
il se rallia sans difficulté à la monarchie tempérée
et ne fut sans doute pas insensible aux honneurs dont il fut comblé.
N'ayant pas de postérité, il entretint jusqu'à sa mort
d'excellents rapports avec ses frères et leurs enfants, notamment
son frère Pierre Louis PILLE de RESSON et ses filles Mmes de la SIMONE
et de VIOLAINE.
Claude de Guillebon