FAMILLE GEOGRAPHIQUEMENT ECLATEE

Génération 16 à 15

Seizième génération

16.1- Camille (Jean Jacques) Quinat (Charles, Jean Jacques III)
Né à Lyon le 29 octobre 1865, on le trouve inscrit au petit séminaire du Rondeau à Grenoble à partir d’octobre 1879, sa famille résidant à Tullins. En 1884 il réussit son baccalauréat, série mathématiques élémentaires. Il fait ensuite carrière dans l'Infanterie, engagé volontaire en mai 1885, puis Officier ( voir sa carrière militaire un peu plus bas).
La guerre le trouve à Montluçon au 121ème d'Infanterie où le ménage s'est lié d'amitié avec celui de Joseph de Guillebon ce qui fera mettre en relation Gisèle de la Simone et Jacques Quinat d'une part et Simone Quinat et Renaud de Guillebon d'autre part.
Il a consigné ses mémoires de guerre dans un émouvant petit carnet. Le 14 septembre il est blessé à la jambe, ce qui entraîne son amputation dont il souffrira toute sa vie, et son départ de l'Armée (il avait 52 ans). Il termine sa carrière militaire comme Capitaine d'Infanterie, (il avait la coquetterie de dire qu'il avait été nommé Commandant à titre provisoire et se faisait ainsi appeler " Commandant"), et Commandeur de la Légion d'Honneur.
Il rentre dans une société d'import export avec l'Afrique Orientale qui lui sert de "couverture" pour une mission au profit du Deuxième Bureau. Elle le fera voyager le restant de la guerre à Djibouti, en Abyssinie, à Madagascar, la Réunion, le Mozambique pour, officiellement, faire de la prospection de marchés. De ces voyages il nous a fait la relation dans trois petits carnets.
Il exploite ensuite une propriété agricole, " l'Oued Soudan ", en Algérie, près de Philippeville jusqu'en 1926.
On le retrouve alors à Nîmes où il prend sa retraite, puis à Saint Germain en Laye où il mourra entouré de sa femme et de la famille de sa fille Simone. Il est enterré à Villieu avec ses proches.

Il a épousé Marthe Guyot. La famille Guyot était d’une bonne bourgeoisie, plusieurs fois alliée à des familles aristocratiques. Le père de Marthe était ancien Conseiller au Conseil d’Etat et à la Cours de Cassation à Paris, issu d’une famille de drapiers de Troyes. Sa grand-mère maternelle était une Auffray, très vieille famille comportant des écuyers, conseillers du Roy. De ce fait, nous sommes cousins du fameux chanteur Hugues Auffray qui, malgré son allure d’artiste fatigué, n’a rien renié de ses origines familiales.
La mère de Marthe était Julie Adèle Pauline Gallocher de la Galisserie qui, dans sa filiation, comporte des militaires, un député de Seine & Marne, District de Nemours, à la Fédération le 14 juillet 1790, un polytechnicien … L’ancêtre dont la famille Guyot est la plus fière est le baron Guillaume Ternaux, premier capitaine d’industrie( sa biographie a été exposée page 99) Sa réussite fut consacrée par un ennoblissement par le roi Louis-Philippe mais il mourut dans une quasi misère. Associé un temps avec son frère Nicolas, ce dernier lui vendit ses parts avant que leurs affaires ne périclitent, conservant ainsi sa fortune intacte. Contrairement à ceux de Guillaume, ses descendants font encore partie de la haute et riche bourgeoisie française.

Le dossier militaire de Camille est conservé au Fort de Vincennes. En voici un extrait :
Après avoir passé son baccalauréat es sciences, il s’engage dans l’Armée pour cinq ans le 16 mai 1885 à la mairie de Montélimar, intégré dans la classe 85, subdivision Bourgoin, canton de Tullins . Il est incorporé dans le 22 ème Régiment d’Infanterie. Il y gravit les grades jusqu’à Sergent en 1886. Du 25 novembre 1887 au 6 février 1890 il est au 4 ème Bataillon de Chasseurs Annamites dans la partie centrale du Viet-Nam.
Il retourne ensuite au 22 ème RI puis rentre à l’école Militaire d’Infanterie à Saint Maixent dont il sort n°283/381, et sous-Lieutenant le 1er avril 1891.
Il est alors muté au 75 ème RI où il est nommé Lieutenant le 29 août 1893.
Le 26 décembre 1893, il est nommé au 2 ème Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique, où il fait Campagne pendant près de 7 ans, partagé entre l’Algérie proprement dite et la Région Saharienne.
Le 29 août 1900, il est nommé en France, au 23 ème Régiment d’Infanterie où il passe Capitaine (choix) le 1er octobre 1902. Le 26 septembre 1904, il passe au 142 ème RI à Lodève, puis au 121ème à Bourg en Bresse le 24 juin 1910, enfin au 321 ème à Montluçon le 2 août 1914. Le 22 janvier 1916 il est mis en congé illimité.
Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur à son retour d’Algérie, Officier le 2 décembre 1914, Croix de guerre avec palme.

Proposition pour l’ordre du Mihan-el-Anouard de Tadjourah :
Monsieur le Capitaine Quinat a fait en Algérie un séjour de 6 ans et 8 mois interrompu par 4 congés. Il a commandé pendant ce temps le détachement du 2éme Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique à El-Goléah pour la création du bordj et, comme suppléent légal du sous-intendant militaire, il a coopéré à la création du 1er Escadron de Spahis Saharien et à l’enrôlement de la 1ère Cie de Tirailleurs sahariens…


Notations :
Il a subi, dans sa période sous-officier un bon nombre de punitions, pour des broutilles en général puisqu’elles n’ont pas empêché d’être proposé pour l’Ecole de Saint Maixent, mais Réflétant un caractère un peu rebelle et ne mâchant pas ses mots. Exemples de punitions entre 1886 et 1888:
- S’est permis de faire une observation à un s/officier sur un ton arrogant.
- Etant au rapport, sur une observation que lui faisait un s/officier, a répondu d’un air de dédain : « c’est à moi qu’il parle, ah on ne s’en doutait pas » (3 fois)
- Lorsqu’un s/officier lui disait de ne plus siffler un chien, et à l’annonce d’une punition, a répondu « cela fera quatre jours de …( ?) et si cela vous embête d’entendre siffler, passez en serre-file »
- Enfin, sachant un officier dans une chambre contiguë à la sienne, s’est montré très inconvenant en engageant sur sa vie privée une conversation dont le ton plus qu’élevé, marquait notoirement qu’il voulait être entendu de lui.

Les notes qu’il a reçues à l’Ecole de Saint Maixent Réflètent ce que pensait alors sa hiérarchie, mais lorsqu’on connaît le fonctionnement de l’Armée, on sait qu’il suffit d’avoir eu, dans ses débuts, un supérieur avec lequel on ne s’entend pas pour voir plombée sa carrière pour de nombreuses années.
Notes du Lieutenant de Peloton :
Tenue et conduite à l’Ecole : bonne. Son attitude qui laissait quelque peu à désirer dès le début est devenue meilleure : actuellement, très convenable devant ses chefs elle est très bonne devant une classe d’instruction. Animé certainement d’un désir de bien faire, activité prompte mais intermittente et sans durée. Tempérament essentiellement colérique s’allume et se consume rapidement. Nature difficile mais bonne cependant, aucunement méchant. Esprit naturellement porté à la critique : s’observe depuis quelque temps et comme en définitive il est bien élevé et qu’il a le désir de bien faire, il n’est pas douteux qu’avec de la persévérance il n’arrive à se corriger. Intelligent pourrait très bien faire. Aurait pu mieux faire. Malgré ses défauts de caractère dont il a tout intérêt à se défaire, et en raison des efforts tentés dans ce but nous croyons que Mr Quinat pourra, s’il le veut, faire un bon officier de peloton .
Notes du Capitaine de Compagnie :
Intelligent mais a manqué de constance dans le travail. Aurait pu obtenir de meilleurs résultats en travaillant avec plus d’ardeur. Manque d’esprit militaire. Connaît les règlements mais n’a pas le coup d’œil sur le terrain. Pourra faire un bon officier en travaillant. Caractère difficile, violent et manquant de liant. Devra être surveillé et tenu dans le service.
Notes du Chef de Bataillon, Commandant en second :
Mr Quinat est bachelier es sciences (complet) , son instruction générale est assez bonne, il est apte à faire un assez bon officier

Note du Colonel commandant l’Ecole :
Très surveillé à l’Ecole, en raison d’un passé désolent, un caractère violent et un esprit indiscipliné, Mr Quinat n’a pas commis de faute grave et a fait des efforts pour s’amender. S’il persévère dans cette voie, il est apte à rendre de bons services et à faire un assez bon officier. Il ne manque pas de moyens ; son instruction professionnelle est bonne, bien qu’un assez long traitement à l’infirmerie ( 54 jours) l’ait empêché de prendre part à tous les exercices (accidents oculaires). A des aptitudes pour l’escrime. Assez bon instructeur de gymnastique. A observer et à tenir.
Comme Officier, ses notes deviennent de plus en plus élogieuses, ainsi ces notes de stage qu’il a effectué chez des Dragons en 1909 : « cet Officier, d’une intelligence ouverte, possédant une grande facilité de travail et toujours prêt à s’employer a rendu des services au Régiment et a tiré grand profit de son Stage. Il s’est signalé aux manœuvres par ses qualités pleines d’entrain et d’énergie. »
Ou celles du général de sa Division en 1912 : « Excellent officier, très vigoureux, très intelligent, très actif, ayant beaucoup d’initiative et de décision, beaucoup de cœur aussi. Quoique il soit, encore cette année, brimé par trop de candidats, je tiens à lui donner un n° pour bien marquer dans quelle estime je le tiens et mes intentions pour l’avenir
».
On note cependant en 1905 : « Caractère un peu ombrageux, est entré en conflit avec son chef de bataillon, vis à vis duquel il n’a pas eu une attitude correcte et disciplinée. A été puni pour ce motif. C’est un incident qui ne se renouvellera pas. On peut l’attribuer à un dérangement momentané de sa santé ». Cet incident sera bien vite oublié, il n’avait peut-être pas complètement tort.

A noter des problèmes de santé :
Problèmes ophtalmiques à Saint Maixent (54 jours à l’infirmerie)
Congés de convalescence de 3 mois en 1896, un autre de la même durée en 1897 puis décembre 1898, soit près d’un an d’absence (rhumatismes).
En 1912 à Lodève, à la suite d’une bronchite grave, congé de convalescence de 3 mois, prolongé de deux mois.
Taille consignée : 1,71 m


16.2- Auguste (Léon Charles) Quinat (Charles, Jean Jacques III) est né le 23 janvier 1867 à Lyon II. Il est décédé le 9 août 1936 à Villieu.
Engagé volontaire par devancement d’appel le 14 septembre 1888, il entre à Saint Cyr le 28 octobre 1889 il en sort 132ème/447 et est nommé sous-lieutenant au 6 ème RI le 1er octobre 1891 puis Lieutenant le 1er octobre 1895. Muté au 12 ème Bataillon de chasseurs à pied, puis nommé Capitaine le 12 juillet 1903.
Muté au 138 ème RI à Annecy le 23 juin 1908, puis au 22 ème le 23 juin 1913. Nommé Chef de Bataillon le 25 décembre 1914 ; passe au 22 ème Bataillon de chasseurs le 29 juillet 1915
Lieutenant-Colonel à titre temporaire le 23 novembre 1916, définitif le 2 avril 1917.
Il passe au 140 ème RI puis au 99 ème le 1er juin 1920 où il est Directeur régional de l’instruction physique.
Admis à la retraite et promus Colonel le 8 juin 1924 sur sa demande car il estime qu’il a droit à un avancement qu’on ne lui accorde pas ( motif donné : trop d’officiers dans son cas).
Blessures de guerre :
17 août 1914, blessé de deux balles l’une à la hanche, l’autre à la main gauche
17 août 1915, commotion suivie d’évanouissement par l’écrasement d’un abri sous le bombardement
17 mai 1916 balle dans la tête, trépanation
Blessure en service commandé : blessé le 24 mars 1900 par une avalanche qui a eu pour conséquence une entorse au genou droit avec hydarthrose consécutive.
Sept citations attribuant la croix de Guerre avec six palmes et une étoile, Commandeur de la Légion d’Honneur, Médaille Militaire.
Citation signée Joffre : « Officier supérieur, déjà deux fois blessé et qui s’est fait remarquer en toute occasion par sa crânerie et ses belles qualités de commandement. Fortement contusionné par un obus et aussi par une grenade, est resté à la tête de son bataillon avec lequel il a enlevé très brillamment, le 22 août, les tranchées allemandes. »

Auguste a épousé Gabrielle Rérolle, fille de Victorin Rérolle et Eléonore Mondon, le 27 octobre 1901 à Villieu. Gabrielle est née le 7 mai 1872. Elle est décédée le 26 mars 1941. A son mariage étaient témoins son beau-frère Lucien Hassler et son oncle Emmanuel Pichot, négociant à Villieu.
Avant son mariage avec Gabrielle Rérolle dont il n’a pas eu de descendance, Auguste a reconnu un enfant, Charles Camille Edouard, né hors mariage de Geneviève Emilie Barret en 1895. Charles Camille Edouard s’est marié à Grenoble en 1919 et est décédé à Clermont-Ferrand en 1963.

16.3- Armand Léon Quinat (Charles, Jean Jacques III ) est né le 17 mai 1874 à Villieu. Il est décédé le 9 avril 1955 à Ouled Teima Maroc.
Armand a passé une grande partie de sa vie en Afrique du Nord .
Il y a acheté tout d'abord une propriété près de Tunis puis une maison à Hammamet. Il a ensuite revendu ses terres et pris en gérance un domaine à Ksar-Tyr pour le compte d'une grande Société. Celle-ci l'ayant fort peu payé et sa fille Marie-Aimée ayant attrapé la tuberculose d’une une petite bonne Maltaise, il est alors rentré en France vers 1925 afin de la faire soigner. Ses déménagements se sont faits en suivant les sanatoriums où sa fille était soignée, puis il a acheté une usine de savon à Groissiat près d'Oyonnax: l'usine faisait un excellent savon mais a englouti le produit de la vente de ses propriétés tunisiennes. A la suite du décès de sa fille, en 1939, son fils Jean l'a appelé au Maroc, à Ouled Teïma près d'Agadir, pour s'occuper d’une propriété agricole. Il y est demeuré jusqu'à sa mort et y reste enterré.

Armand a épousé Françoise Laure Louise Penet, fille de Léon Jean Penet et Ursule André Hippolyte Bon, le 24 septembre 1901 à Tunis. Née en 1883, elle est décédée le 29 février 1972 à Villieu.
Son père Léon Penet a débuté une carrière de militaire, et donné sa démission comme capitaine. D'un premier mariage, il a eu une fille, Marguerite, qui épousera Maurice Cretet, puis avec sa deuxième épouse Ursule Bon, sept autres enfants. Sur les conseils d'un de ses cousins, il a acheté un domaine très peu rentable près de Tunis et est mort de soucis en laissant huit jeunes enfants. Armand Quinat venu comme stagiaire dans la propriété de Maurice Cretet y a rencontré sa future femme, belle-sœur de Maurice.

Armand et Françoise ont eu cinq enfants :
- Pierre mort en bas-age,
- Jean qui, après des études d'ingénieur à l'ICAM de Lille (promotion 1924) est allé travailler à Casablanca puis à Agadir (c’était une époque de chômage en France). Il a ensuite acheté un domaine près d'Agadir en 1936 où il restera plus de vingt ans, menant en parallèle son métier d’ingénieur et la gestion de son domaine agricole. Jean a eu six filles : Brigitte, Françoise, Marie-Aimée, Danielle, Geneviève et Isabelle.
- Marie-Aimée décédée de tuberculose à 34 ans
- Andrée, célibataire,
- Aline qui a épousé son cousin germain, dont elle a eu cinq enfants : Joëlle, Christine et Joseph et deux enfants morts en bas-age (Marc et Gilles).

 

Dix-septième génération


17.1- Noël Quinat (Camille, Charles) est né le 25 novembre 1901 à Bourg. Il est décédé le 9 mars 1945 à Haïphong. Il a épousé Jeanne-Marie Durand en 1930 dont il a eu une fille Chantal.

Copie d'un article de Monsieur Joutard écrit pour le journal des anciens du 22è RIC

UNE AME ARDENTE : Le capitaine Charles Marie Noël QUINAT du 22ème R. I. C.

Tous nos camarades officiers, tous les anciens de la C.D.T. ont bien connu le capitaine Quinat, qui commandait cette compagnie ; beaucoup d'entre eux ont été témoins de son action héroïque le 30 mai 1940 au bois de Villers. Puisque nous avons une abondante et précise documentation il nous a paru. intéressant de retracer les traits essentiels de cette vie passionnée.
Charles-Marie-Noël Quinat est né le 25 novembre 1901 à Bourg-en-Bresse, Ain), où son père tenait alors garnison. Après avoir passé son baccalauréat à Poitiers, il entre à l'école des H.E.C à Paris, en 1919. Trois ans après il sort de l'école, nanti en plus de la licence en droit.
Dénonçant son sursis d'appel, incorporé dans un régiment d'infanterie à Poitiers, il y suit les cours préparatoires à Saint-Cyr comme officier de réserve. Il entre à Saint-Cyr en 1922, major de sa promotion et il y sert six mois sous les ordres du général Tanant, commandant l'école. Affecté comme sous-lieutenant (réserve) au 21e R.I. (sauf erreur) à Paris, il y termine son service six mois après. Rendu à la vie civile, il entre à la Société commerciale de l'Ouest Africain, part en Gold Coast, puis en Nigéria, enfin se marie à Marseille en 1930 et a une fille en 1931.
En France, il suit avec assiduité les cours de perfectionnement d'officiers de réserve à Marseille et est nommé comme capitaine dans l'Infanterie Coloniale. Il était alors le plus jeune de son grade dans la réserve. Il fut décoré de la croix des services volontaires à cette occasion.
La déclaration de guerre de septembre 1939 l'appelle à Toulon dès les premières heures au 22e R.I.C. qui s'y formait. Il y fut reçu par le colonel Le Tacon et fut mis à la tête de la C.D.T. Les officiers de la C.D.T. étaient, en 1940, outre le capitaine Quinat, le lieutenant Sigallon, officier pionnier, le sous-lieutenant Fabre, actuellement colonel, officier de transmissions, et le lieutenant Marquet tué le 11 juin, près de Fontaine-le-Dun, chef de la section motocycliste.
Dans une lettre écrite en mer, à bord du s/s Cap Padaran, en juillet 1941, à son ami le médecin commandant Guilliny, le capitaine Quinat, en route pour l'Indochine, nous donne des détails sur les combats qui se déroulèrent dans l'après-midi du 30 juin, sous la direction du commandants Joanne, pour la reprise du bois de Villers. On se rappelle que ce jour, à 12 h. 30, la 6e compagnie, renforcée de deux sections de la 10e et d'une de la 5e avait occupé entièrement le bois de Villers. Une heure plus tard, les Allemands, protégés par les feux des pièces d'artillerie de 77, placées sur les monts de Caubert, reprirent le bois. C'est alors que le colonel Le Tacon envoya le commandant Joanne et toute la C.D.T. pour contre-attaquer. Ils ne purent reprendre malheureusement que la lisière sud du bois jusqu'à la route de Villers-Bienfay.
" Pour ma part, écrit le capitaine Quinat, ce fut mouvementé. Parti à la tête de la C.D.T. je fus blessé- le 30 mai au soir, à la tête de la 6è compagnie, qui, décapitée de ses cadres, avait reflué sur moi. Je l'ai reprise en main et ramenée de nouveau à l'attaque derrière cinq chars. Une rafale de mitrailleuse m'a envoyé au sol pour le compte.
Le commandant Kerforne m'a évacué de force. Je n'avais cependant rien de cassé par miracle et n'avais que perdu beaucoup de sang... "
Pour cette action d'éclat le capitaine Quinat reçut alors la Légion d'honneur et la croix de guerre avec palme. Il fut cité à l'ordre de l'Armée : " A pris sur lui le commandement d'une compagnie dont le capitaine avait été blessé, l'a brillamment conduite sur la position ennemie. A été blessé au cours de l'action. A gardé son commandement jusqu'à l'épuisement complet de ses forces. "
" ... Arrivé le 1er juin à l'hôpital d'Angers, continue le capitaine Quinat, j'en filai avec Braquet (je pense qu'il s'agit du sous-lieutenant de la 6e compagnie) dans la nuit du 16 au 17 pour ne pas être pris dans mon lit. ".
D'auto-stop en auto-stop, toujours suivi par son camarade, il arrive à Bordeaux, puis rejoint Marseille. Tous deux évitaient de se faire soigner, car ils risquaient de se faire récupérer par le service de santé. A Marseille, il alla trouver un ami de sa famille, M.de Chanterac, alors directeur des Messageries Maritimes, qui le fit embarquer avec le sous-lieutenant Braquet sur un des derniers bateaux quittant la métropole pour l'Afrique du Nord. C'est ainsi qu'ils débarquèrent à Philippeville, puis se rendirent à Constantine, où le commandant de la place, un colonel, après avoir menacé de les " coffrer ", dit au capitaine Quinat : " Votre lieutenant et vous-même allez d'abord vous faire soigner correctement. Je vous recommande de ne pas vous faire remarquer. Guérissez-nous tous les deux, et venez ensuite me trouver, j'aviserai. "
Le 17 septembre, cependant, le capitaine Quinat s'embarque pour Marseille.
" Le 13 au matin le convoi était torpillé, trois bateaux par le fond. Je m'en suis tiré... Ayant retrouvé le colonel Borgnis-Desbordes, ce dernier m'a indiqué en décembre que je pouvais reprendre du service. J'ai tout planté là.., et le 8 février me suis embarqué pour le Maroc. Le 24 juin j'ai pris le bateau à Casablanca à destination de l'Indochine et me voilà. "
Jusqu'en mars 1945 la famille du capitaine Quinat recevait tous les trois mois, par le canal du Ministère des anciens combattants, un télégramme très laconique. " Capitaine Quinat. T.V.B. "
Puis ce fut l'agression japonaise de mars 1945 et le 9 de ce mois, le capitaine Quinat fut tué à Haïphong, héroïquement, comme il le souhaitait dans les circonstances suivantes :
Lors de l'agression, au lieu de rester chez lui (il était sans commandement) il rejoignit la forteresse et se mit à la disposition du colonel Lapierre. Au cours de la nuit on vint prévenir qu'au blockhaus l'officier venait d'être tué. Le colonel Lapierre donne alors l'ordre au capitaine Quinat d'aller le remplacer. Entre-temps le blockhaus fut " coiffé " par les Japonais ce qu'ignorait le capitaine Quinat bien entendu, qui se voyant tirer dessus, donna l'ordre qu'on cesse le feu en se nommant. Une rafale d'arme automatique lui répondit et il fut mortellement touché au ventre. L'aumônier, avec lequel il était en rapport constant, put obtenir de l'autorité japonaise que le corps lui fût remis. Il l'enterra dans le caveau d'un notable indochinois, roulé dans un pagne, car il avait été complètement dévêtu par la soldatesque. Seule sa chevalière lui restait et le commandant Loréal put la soustraire à la rapacité nippone. Les japonais demandèrent à voir son corps car ils trouvèrent dans sa maison un poste émetteur dont il se servit pendant trois ans à l'insu de quiconque.
La dépouille du capitaine Quinat fut ramenée en France en 1953 et fut inhumée dans le caveau de famille à Villieu (Ain). Le père du capitaine Quinat avait été informé de la mort de son fils par le lieutenant de La Varende (neveu de l'écrivain) six mois avant l'avis officiel. Qu'il nous soit permis de citer ici un passage de cette lettre :
" ... Vous pouvez dire à sa fille que son père est mort de la même façon qu'il agissait, c'est-à-dire en héros, en remplissant son devoir, dont il avait une notion plus grande et plus élevée que la plupart. Il avait un courage splendide. Lors des bombardements d'Haïphong, qui furent sévères, il était toujours à l'endroit le plus exposé et il conservait sa même attitude calme, souriante et tranquille. Son courage militaire se doublant d'un courage civique magnifique, durant tout le temps où il fut à la liaison franco-japonaise, il utilisait les rapports de service pour mieux pénétrer les secrets de l'ennemi et accomplir plus complètement son devoir de Français.
"Voilà donc brièvement résumée la noble et fiévreuse vie du capitaine Quinat, tout entière consacrée à l'accomplissement du devoir jusqu'à la mort inclusivement. Comment ne pas rappeler en terminant ces mots admirables, qu'écrivait l'ancien commandant de la C.D.T. à son ami médecin dans la lettre déjà citée, après les événements de 1940 :" Mon cher ami, je ne puis évoquer ces heures atroces sans un serrement de cœur pénible, atroce. Il me faudrait vous voir pour vous dire tout ce qui a été fait, que vraiment l'honneur, qui se paye avec du sang, a été sauf. Et qu'il faudra un jour, que la roue tourne, car c'est trop d'épreuves que du moins nous, nous n'avions pas méritées ».
L'honneur, vous l'avez payé avec votre sang, mon capitaine, jusqu'à donner votre vie. La roue a tourné. Les épreuves ont cessé. Dormez, mort héroïque.

Louis JOUTARD.

Remarques
Cet article tiré du journal des anciens du 22è RIC est la reprise " presque " totale d'une lettre de papa à monsieur Joutard qui lui avait fait part de son intention d'écrire un article sur son frère. Des phrases intimes ou politiquement incorrectes ont été retirées. J'en reproduis deux ci-dessous car elles me paraissent importantes, tant pour papa que pour oncle Noël.
" En 1934, je le fis entrer aux Croix de feu dont j'étais et y fut reçu comme volontaire National (Marseille) et ne me cachait pas son envie de me voir Croix de feu (quoique son cadet de 3 ans) du fait de mon expérience du feu (1925/1926 Maroc) dont il ignorait tout du point de vue pratique ".

Une autre après sa blessure en 1940: " Evacué sur l'arrière, se repliant de poste de secours en poste de secours, vivant de bric et de broc, il échoua à l'hôpital de Beauvais, y fut soigné par une de nos amies, Mlle Marguerite de Bougrenet de la Tocnaye (appelée Zézelle par les enfants de Jacques, pour lesquels elle servit un temps de gouvernante). Il avait été touché de trois balles dans le bras gauche ".

Citation à l’ordre de l’Armée en juin 1940 : « A pris sur lui le commandement d’une compagnie dont le capitaine avait été blessé. L’a brillamment conduite sur la position ennemie. A été blessé au cours de l’action. A gardé son commandement jusqu’à l’épuisement complet de ses forces ».
Citation à l’ordre de la division à titre posthume : « Désigné lors de l’attaque japonaise du 9 mars 1945 contre la caserne Bouet à Haïphong pour remplacer un officier blessé, a fait preuve d’un complet mépris du danger en rejoignant son poste sous le feu d’armes automatiques ennemies. Est tombé mortellement frappé .» Cette citation comporte l’attribution de la Croix de Guerre 1939-1945 avec étoile d’argent.»


17.2- Germaine Quinat (Camille, Charles) est née le 7 janvier 1903 à Bourg en Bresse. Elle est décédée le 24 octobre 1983 à Sarcelles.
Elle a épousé François Reignier le 22 octobre 1930 à Nîmes. Né le 11 mars 1894, celui-ci est décédé le 6 juin 1977.
François a passé sa vie au Service Géographique de l'Armée (ancien nom de l'Institut Géographique National) et terminé sa carrière comme Inspecteur Général à l’IGN et Officier de la Légion d'Honneur.

17.3- Jacques Marie Auguste Quinat (Camille, Charles) est né le 2 août 1905 à Voreppe. Il est décédé le 18 janvier 1986 à Toulon.

Engagé volontaire dans les spahis marocains à l’age de dix-neuf ans, il a participé à la guerre du Rif, au Maroc, en 1925 et 1926.
Démobilisé il fut employé comme comptable dans une maison d'import-export en Côte d'Ivoire puis dans une société de travaux publics à Toulon.
Il s’est marié à Gisèle l’Eleu de la Simone, d’un père militaire, d’une famille de petite noblesse de robe picarde, alliée à la famille de Guillebon dont le membre le plus éminent était le général Jacques de Guillebon : cousin germain de Gisèle, polytechnicien, Compagnon de la Libération, il a suivi le Maréchal Leclerc dont il était le chef d’Etat-Major pendant toute l’épopée de la deuxième D.B.
Après son mariage en 1933, il est rentré comme fondé de pouvoir dans une société de commerce de vin en gros, la maison Patras et Cie. Il y est resté jusqu'à sa retraite en 1980.


17.4- Simone Quinat (Camille, Charles) est née le 12 février 1915 à Montluçon. Elle est décédée le 18 février 1990 à Mesnil le Roy.
Simone a épousé Renaud (Pierre Marie Odet) de Guillebon, fils de Joseph de Guillebon et Germaine de la Marnière, en 1938 à Nîmes. Celui-ci est né en mars 1915 et décédé en 1996. Diplômé des Hautes Etudes Commerciales de Paris, il a exercé dans plusieurs sociétés.

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